- angels would damn themselves - ( n a m i )

| 27 ans - agent immobilier |
1 Nami, c'était la petite princesse des Jørgensen. Elle est la sixième enfant de la famille et la dernière fille, alors ça fait d'elle une petite princesse aux yeux des aînés. Elle était très proche de Clive et Travis, les deux frères dont elle est le plus proche en âge, et ça lui a forgé un caractère assez fort : plutôt du genre à monter aux arbres qu'à jouer à la dînette. D'ailleurs, elle ne compte plus la gamine, le nombre d'allers-retours à l'hôpital pour des blessures, la concernant elle ou le reste de la fratrie, mais elle peut sans mal imaginer le désespoir de ses parents, à chaque pleurs d'enfant. 2 La petite blonde, elle n'avait pas dix ans quand elle a annoncé un jour qu'elle ferait le « même travail que papa ». Lui, il était propriétaire de plusieurs immeubles, c'était ce que les autres appelaient un magnat de l'immobilier. Et elle, elle voulait rendre les gens heureux, en leur donnant un logement. C'était un rêve, un beau rêve d'enfant, qui a fini par se réaliser. Elle fait partie de ce petit pourcentage de personnes qui peuvent se vanter de vivre du travail qu’elle veut faire depuis qu’elle est toute jeune, et la fierté qu’elle lit dans les yeux de son père chaque fois qu’il passe devant l’agence ne peut la rendre qu’encore plus fière du travail accompli - malgré tout les sacrifices, le jeu en valait la chandelle. 3 À comparer aux frasques du reste des enfants Jørgensen, Nami s’est toujours dit que finalement, elle avait eu l’adolescence la plus calme de tous. Il faut dire qu’elle est passée par une période rebelle : elle est revenue avec les cheveux teints totalement en noir à l’âge de seize ans, et la réaction de ses parents n’a pas été la plus chaleureuse. Elle a été une adolescente plutôt renfermée, souvent - trop souvent - avec des écouteurs dans les oreilles, a écouter tout genre de rap et de métal, elle ne parlait qu’assez rarement et les disputes avec sa mère étaient incessantes. Une passe qui a duré un peu plus de deux ans, puis le changement a opéré, comme la glace qui fond pour laisser place au printemps. Et il est difficile d’imaginer qu’elle a pu traverser une telle passe dans sa vie, même pour ceux qui l’ont connue à l’époque. 4 Elle n'a jamais fait partie de l'élite du lycée, des élèves populaires, ceux dont tout le monde connaît le nom et que certains envient. Non, elle ne faisait pas partie de ceux-là, et elle doit être l'une des rares a ne l'avoir jamais désiré ; la blonde avait un cercle d'amis restreint, et c'était bien assez. Peu de gens à qui elle accordait sa confiance, par peur d'être abandonnée ou trahie, elle n'avait pas envie de souffrir. Et de ce cercle pourtant restreint, certains sont sortis - pas forcément à cause de disputes, mais leurs chemins se sont éloignés quand ils ont quitté le lycée. Mais elle a toujours pu compter sur Ada, sa meilleure amie, celle qu'elle connaît depuis la petite enfance. Ada et Nami, Nami et Ada. Gamines indissociables restées aussi proches malgré les années. Il ne passe pas une semaine sans que les demoiselles ne se téléphonent ou ne se voient, même si leurs vies ont pris des chemins différents.  5 Nami, elle n’est tombée que très rarement amoureuse, et jamais autant qu’elle n’a aimé Maks. Il était presque son idéal masculin, intelligent en plus d’être beau, avenant, cultivé, et simple, loin des « m’as-tu-vu » qu’elle a en horreur depuis toujours. Lui, il est un peu plus âgé qu’elle, il a trois ans de plus. Et elle l’a rencontré bêtement, à la bibliothèque alors qu’ils cherchaient à emprunter le même livre. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’ils tombent amoureux, et leur histoire semblait si naturelle aux yeux de tous. Tout s’est enchaîné très vite, peut-être trop vite, il passaient tout leur temps ensembles, s’envoyaient des messages ou se téléphonaient. Elle a rejoint la colocation dont il faisait partie à l’époque, en même temps qu’elle faisait ses études et formations. Puis, ils se sont pris un petit appartement. Leur relation ressemblait à un roman à l’eau de rose, comme elle adorait en lire une fois de temps en temps. 6 Mais le bonheur a des limites. Et cette limite portait le nom « ambition ». Nami s’est donnée corps et âmes dans son métier, passant parfois plusieurs jours hors de la ville pour le bien de ses autres agences, mais Maks, il avait l’air d’encaisser, s’apprécier qu’elle puisse vivre de sa passion. Ils étaient fiancés, ils planifiaient déjà un mariage en petit comité, avec juste leurs familles et leurs amis les plus proches. L’esprit toujours occupé, la blonde n’a pas remarqué l’éloignement de son fiancé, le fossé qui se creusait entre eux, le manque de communication dans leur couple qui paraissait si parfait. Elle ne sait pas s’il l’a trompée ou non, et elle n’a pas envie de le savoir. Parce qu’elle n’arrive pas à se persuader que c’est fini définitivement, il a pourtant été clair dans ses propos : « Tu ne seras jamais capable de garder un mari, ou de fonder une famille si tu continues à être aussi carriériste. Et moi, j’en peux plus ! » Trois mois depuis qu’il a claqué la porte sans plus de cérémonie, plus aucun message, plus aucun appel. Et elle n’a pas encore trouvé le courage de l’annoncer, alors elle fait face. Elle fait comme s’il était toujours là, comme s’il l’attendait le soir, il n’en est rien et elle sait pourtant que son mensonge risque de voler en éclats à tout moment. 7 C'est lui qui est parti de leur appartement, et il lui a tout laissé, préférant faire ses valises et claquer la porte. Nami, elle s'est dit que c'était une petite dispute, le même genre que ses parents pouvaient avoir parfois, alors elle lui a envoyé des messages restés sans réponses, elle a essayé de l'appeler en vain. Et finalement, elle n'a pas eu d'autre choix que de se résigner au fait qu'il ne reviendrait pas, qu'il ne serait pas là lorsqu'elle se réveillerait le lendemain. Il lui avait fallu plusieurs semaines pour accepter leur rupture, et ce n'est que très récemment qu'elle a enlevé sa bague de fiançailles, qu'elle garde tout de même précieusement dans une boîte à bijoux, comme pour se rappeler des années heureuses qu'ils avaient passé. Une page qui se tourne, laissant un nouveau chapitre s'ouvrir, en attente de nouveaux souvenirs pour le remplir. 8 Nami était à l’agence, face à un jeune couple désireux de trouver leur première maison, leur petit nid douillet quand les explosions avaient retenti dans toute la ville. Elle avait sursauté, la jeune fille face à elle avait poussé un cri et le jeune homme avait tenté de rester impassible. La ville était calme, d’habitude et elle eut le pressentiment que quelque chose se passait, et que ça ferait beaucoup de mal à tout le monde. Elle ne savait pas de quoi il en retournait, mais elle se souvint d’avoir vu plusieurs personnes courir. Ada était arrivée en courant à l’intérieur de l’agence. « Explosions, bombes.. Attentat. » avaient été les seuls mots que la jeune femme avait compris. Et elle avait de suite pensé à sa famille, essayant de joindre chacun de ses membres pour s’assurer que tout le monde allait bien. Elle avait commencé par ses parents, à l’abri puis Eira qui n’avait pas répondu. Et l’angoisse s’était emparé d’elle, ses frères et sœurs étaient ce qu’il y avait de plus important pour elle. Et les minutes semblaient durer des heures, des jours avant que ça ne s’arrête. Avant que cette journée se termine, et que les explications arrivèrent, le nombre de blessés, de morts. Ça avait été une journée noire pour Trondheim, et encore maintenant, elle n’arrivait pas à oublier. 9 Elle essaye de faire face, comme tout le monde. Et pourtant, elle est devenue méfiante, Nami. Elle est aux aguets, du moindre bruit inhabituel dans les rues si calmes de sa ville natale. Elle fait comme si tout allait bien, parce qu’elle n’a pas été touchée directement par l’attentant qui a secoué la ville, alors elle ne se sent pas légitime d’avoir peur, de voir parfois sa main trembler contre son bureau. Elle n’en parle jamais, elle se dit que le traumatisme passera, comme le reste. Et elle passe souvent ses soirées dans son appartement, elle délaisse un peu les sorties entre copines, préférant la compagnie rassurante de ses livres. Mais ça, c’était bon pendant quelques semaines, elle se fait violence Nami, pour ressortir, pour cesser d’avoir peur et reprendre sa vie en main. Elle se force et elle sait qu’Ada est là, que sa famille serait là aussi s’ils le savaient. Elle reprend sa vie en main, et chaque jour, elle va un peu mieux, comme tous les habitants de la ville. 10 La télé-réalité s’installe en ville, ça fait plusieurs semaines qu’elle voit l’équipe de tournage qui commence à s’installer : les caméras qui arrivent, les producteurs, leurs équipes et elle a cette impression, Nami, que leur vie sera examinée au peigne fin, qu’ils sont emprisonnés dans une bulle, épiés dans leurs moindres faits et gestes. Plusieurs de ses amies, dont Ada étaient déjà passées par ce que l’équipe appelait « le confessionnal ». Ada, elle a toujours aimé la lumière, tout le contraire de Nami. Elle sait qu’elle sera sûrement amenée à aller parler, parce qu’ils veulent tout connaître de tout les habitants. Alors, sûrement qu’elle se prêtera au jeu, parce qu’elle est curieuse Nami. Et puis, peut-être qu’il y a une partie d’elle qui voudrait recroiser le regard de cet homme, lui dont la seule chose qu’elle sait est qu’il fait partie de l’équipe de tournage.