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Les urgences, l’adrénaline, le fait que la vie de quelqu’un dépende de sa faculté d’adaptation et de rapidité, Jørn avait toujours adoré cette sensation. Lorsqu’il vivait encore en Italie et qu’il travaillait pour la mafia, il avait bien souvent fait des choses dont il n’était pas du tout fier, des choses qui l’avaient entrainé dans les noirceurs de son âme. Mais aujourd’hui, il était bien décidé à se racheter une conduite, à devenir un homme bon, un homme sérieux, le genre d’homme qu’on pouvait être fier de connaitre ou de fréquenter. En arrivant à Trondheim, il avait cru qu’il vivrait une vie plus douce, qu’il aurait la chance de connaitre son enfant, mais le destin, et le karma, en avaient décidé autrement. Aujourd’hui, il vivait une vie différente, un homme célibataire dans une ville qu’il ne maitrisait pas encore totalement, un homme qui avait perdu tous repères mais qui essayait de changer. Et changer, ce n’était pas simple, mais son métier de pompier, c’était devenu son point de repère. Il adorait ce job, il adorait sauver des vies, il adorait ressentir cette poussé d’adrénaline quand il rentrait dans un bâtiment en flammes sans savoir s’il allait être capable d’en sortir.
Et puis, il avait vu cette femme allongée sur le sol, la jambe en sang, une blessure ouverte qui paraissait vachement impressionnante. Il savait qu’il devait stabiliser la fracture avant que les secouristes ne le rejoignent, et que le trajet pouvait durer un certain temps car il avait beaucoup neigé dernièrement, et les plaques de verglas au sol rendaient les trajets bien compliqués.

Pour le moment, il devait stabiliser la blessure et il ne devait surtout pas lâcher la jeune femme d’un regard. Mais alors qu’il se demandait comment faire pour maintenir sa blessure tout en appelant les secours, il remarqua une jeune femme dans la rue, et il l’interpella pour qu’elle appelle les secours. Tout de suite, elle lui demanda s’il parlait anglais et Jørn lui répondit avec assurance.

Oui oui, je parle anglais.

La jeune asiatique lui demanda s’il pouvait passer le coup de fil lui-même, puisqu’elle ne maitrisait pas le norvégien, et il accepta à contrecœur, ne voulant pas lâcher la patiente. Mais apparemment, la jeune femme maitrisait au moins l’art du garrot, ce qui lui ferait gagner un peu de temps. Jørn s’empara du téléphone de la jeune femme et composa le numéro de l’ambulance norvégienne. Il tomba rapidement sur une voix qu’il ne connaissait pas, une voix d’homme, et il expliqua la situation avec tous les détails dont il avait connaissance.
La patiente n’avait pas pu lui en donner beaucoup, sinon qu’elle avait glissé sur du verglas, qu’elle souffrait beaucoup et qu’elle avait peu à peu l’impression que sa jambe refroidissait et qu’elle la sentait de moins en moins. Inquiétant, mais impossible de savoir si c’était le froid environnant ou sa blessure qui provoquait ça.

Comment avez-vous appris à faire un bon garrot ?

Jørn était automatiquement passé par l langue anglaise, afin de simplifier la communication avec la jeune femme. Il se permit tout de même de rajouter envers la patiente, qui devenait de plus en plus blanche :

Ne vous inquiétez pas, les secours vont arriver. Vous devez rester avec moi, restez consciente.

Il serrait la main de la femme allongée sur le sol, en espérant que les secours ne mettraient pas trop de temps à arriver.

lilousilver

Un accident de la route, rien de neuf sous le soleil et le manteau blanc de Trondheim. Sauf que ce manteau blanc avait beau être magnifique, il pouvait aussi être terriblement dangereux. Jørn était pompier depuis des années, il avait repris du service depuis quelques mois et pourtant, c’était comme s’il avait fait ça toute sa vie. Il aimait l’adrénaline procurée par les urgences, les accidents de voiture, les accidents plus graves, tout comme par les petites urgences, des détails considérés par des dames âgées comme des événements très graves dans leur petite vie bien tranquille. Jørn était un homme fort, une force tranquille comme on avait pour habitude de l’appeler. Quand il s’était réveillé ce matin, il avait pris une rapide douche avant de se rendre à la caserne, les cheveux encore un peu humides, les traits tirés par une nuit qui n’avait pas été assez longue.
Il avait bien dormi, mais trop peu, rentré tard après une soirée dans un bar avec certains de ses collègues. Il avait discuté avec une jeune femme, mais ça n’avait mené à rien, il n’était pas prêt pour ça.

La matinée avait été plutôt calme, jusqu’à ce que la sonnerie de la caserne retentisse. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour enfiler son uniforme, attraper le matériel nécessaire et prendre place sur le siège passager du camion de pompier qui se dirigeait vers le quartier de Lerkendal, le quartier des fêtards, un quartier génial mais où il y avait souvent des petits incidents dans ce quartier. Petits, car dans la ville de Trondheim, on ne pouvait pas vraiment dire que les incidents étaient particulièrement graves. Mais cette fois-ci, il s’agissait d’un accident de la route qui impliquait plusieurs véhicules.
Jørn se demandait ce qui allait se passer sur place, mais il verrait une fois arrivé. Quand ils arrivèrent sur place, les pompiers se mirent tout de suite au travail, une équipe était chargé de stabiliser les véhicules pendant qu’une autre évaluait les risques de la situation. Il se précipita pour aller s’occuper des passagers et conducteurs de voitures qui étaient blessés, les secouristes emmenaient les premiers blessés qui étaient déjà sortis des voitures. Cinq véhicules étaient impliqués dans l’accident. Jørn se précipita vers une jeune femme qui se trouvait sur place, mais qui ne semblait pourtant pas blessée. Ils avaient besoin de toute l’aide nécessaire.

Excusez-moi, est-ce que vous allez bien ? Vous êtes blessée ?

Il y avait tellement de gens, entre les curieux qui s’étaient arrêtés pour aider, ceux qui ne faisaient que regarder, ceux qui étaient blessés et ceux qui étaient toujours coincés dans leur véhicule, il y avait beaucoup trop de monde. Mais Jørn voulait d’abord faire le tri dans les informations et dégager la scène pour laisser ses collègues travailler.

Elle ne peut décemment pas lui avouer que celui qui lui a demandé sa main a terminé son existence pétrifié et doit trôner quelque part entre Avalone et Cyste sous la mousse ou le lierre, érodé par les ravages du temps et des éléments.