Besoin d'un coup de main ? - Pv Wanya.

Trondheim était dévasté. La seule fois ou Aaron était sortie de sa montagne pour aller voir Ruth depuis des lustres le drame s'est produit dans toute la ville. Il commençait à se demander si le tout puissant là haut n'était pas sincèrement en train de se foutre de sa gueule. Qu'avait-il fait pour mériter tout ça ? Bon ockay quand on choisit la carrière de militaire et plus particulièrement le terrain il ne faut pas s'attendre à voir que de belles choses et d'ailleurs des trucs moches il en avait vus un paquet. Mais là ça faisait beaucoup. Après les femmes qu'il menait au combat voilà qu'il s'agissait maintenant de ses concitoyens qui étaient touchés en sa présence. Le quotidien avait décidément un drôle d'humour qu'il n'était pas certain de capté. Un footing, une clope, un verre de vodka. Il allume la télé. Les infos ne parlent encore que de ça, il regarde les dégâts considérables qu'il peut y avoir dans certains endroits de la ville. Sa ville. Une boulangerie, réduit en miette, quel intérêt y avait-il à s'en prendre à une boulangerie ? Ce genre d'établissement est comme les églises, ou la petite épicerie du coin, ils ne devraient pas être visés. Aaron est plus qu'attristé en voyant tout ça.

Il attrape son journal, la gérante de la boulangerie témoigne son désarroi. Cette boulangerie c'est toute sa vie, toutes ces économies et toute son énergie. Il a tant de peine pour elle. Il décide de reposer la bouteille pour aujourd'hui. Sa biture de la journée attendra. Prenant une douche et enfilant des vêtements dans lesquels il serait à l'aise, il saute dans son pick-up, une caisse à outils, du bois et tout un tas de trucs utile dans la benne de son véhicule. Direction la boulangerie. Il n'aime pas forcément donner de l'argent mais pour sa ville il le fera et pour cette femme .. et bien il n'avait pour l'instant plus de boulot, du temps à tuer et un esprit à occuper. S'il n'avait put être présent pour Ruth il le serait pour ces gens. En quelques minutes le voilà devant l'établissement en question. Il se demande comment sera perçu sa visite. Prenant le temps de la réflexion, il finit tout de même par descendre et récupérer sa caisse à outils. Il croise la femme qu'il a vus dans le journal, constatant l'ampleur des dégâts de sa boutique.

-« Bonjour madame. Je sais on se connais pas. Je m'appelle Aaron Jørgensen. Je me suis dit qu'un petit coup de main serait pas de trop.» Posant sa caisse au sol, il s'essuie les mains contre son pantalon avant de la lui tendre.
 

La gamine qu’elle était n’en était plus une. L’épreuve qu’elle avait subie le jour des attentats, elle ne la souhaitait à personne, même à son pire ennemi. Le froid glacial qui s’était emparé d’elle une fois qu’elle avait reçu ces éclats partout dans son corps, la détonation, l’image de l’homme au masque de clown, tout ça elle ne l’oublierait jamais. C’était gravé dans sa mémoire à tout jamais et il lui était compliqué de retrouver l’innocence qui faisait sa force dans un monde d’adultes où tout le monde est constamment stressé.
Wanya, elle avait perdu une partie d’elle le premier octobre, et elle savait qu’il lui serait difficile de retrouver cette petite flamme qui l’animait. Sa boulangerie, son endroit bien-aimé, l’héritage de sa maman, son rêve de gamine, tout ça n’était plus qu’un champ de ruines, des pierres, des briques, son si beau comptoir effondré sur le sol, sa vitrine réduite en miettes. Et elle en était malade, et chaque nuit depuis sa sortie de l’hôpital, elle en faisait des cauchemars. Mais elle savait qu’elle devait être forte la gamine, qu’un jour ça serait encore plus beau qu’avant, mais pour le moment, tout ce qu’elle voyait, ce n’était que le chaos.

C’était le deuxième jour qu’elle revenait sur les lieux, le premier avait été pénible, et même si les gens l’aidaient parfois, elle en était malade. Elle qui refusait systématiquement l’aide de qui que ce soit, elle savait pourtant que ça lui ferait d’avoir un petit coup de main, d’avoir quelqu’un qui accepterait de l’aider. Mais elle ne demandait pas, elle ne demandait rien, elle n’avait pas parlé de l’état de la boulangerie à sa mère, elle l’avait rassurée en lui disant que l’état de sa jambe ne serait bientôt qu’un vieux souvenir, mais elle craignait de garder des cicatrices qui lui rappelleraient chaque jour le premier octobre, jour funeste où un fou furieux avait pris la ville en otage et l’avait mise à feu et à sang. Désolation, chaos, peur, c’était tout ce qu’il avait réussi à semer en ville aujourd’hui, mais d’après ce qu’elle avait compris, c’était son but au final.

Alors qu’elle était debout, appuyée sur sa béquille, au milieu des gravas de son magasin, un homme fit son entrée, posant une caisse à outils au sol, et lui proposant son aide. D’abord un peu effrayée, Wanya se rendit vite compte que ses intentions n’étaient pas mauvaises.

Bonjour… Je … euh vous n’êtes vraiment pas obligé vous savez. Je peux me débrouiller, je ne voudrais pas vous ennuyer.

Il venait de lui-même proposer son aide, il avait même pris son nécessaire, elle savait que ça ne devait pas l’ennuyer mais bizarrement, Wanya avait toujours cette impression de déranger. Mais non, clairement elle ne pourrait pas tout faire, et une aide masculine serait la bienvenue.

Et si la ville était dévasté, les habitants ne l'étaient pas moins. Tout le monde avait été choqué qu'un tel acte se présente ici. Autant les victimes que ceux qui l'avaient découvert à la télé ou dans les journaux. Les veillées et les minutes de silences, tout comme les marches blanches et autres rassemblement pour rendre hommage aux victimes, se multipliaient. Il y avait un vrai élan de solidarité à Trondheim pour soutenir tout ceux qui avaient put souffrir de près ou de loin des attentats. Aaron lui s'était retrouvé au milieu, au niveau de la cabane sur la plage et pourtant il n'avait eu aucune séquelle physique de l'évènement. Pour ce qui est du préjudice moral par contre c'était une toute autre histoire .. Lui qui essayait de se sortir de sa mauvaise passe, qui avait enfin décidé d'aller de l'avant et de reconquérir Ruth avait le contre coup des attentas.

Alors pour se changer les idées, il décida d'aller aider comme il le pouvait. Son attention se dirigea vers la boulangerie. La patronne avait donné de sa vie et de son temps pour cet endroit. C'était son bébé. Son histoire l'avait touché. Et puis où iraient les gens pour chercher leur pain le matin si la boulangerie n'était pas remise sur pied ? Ou pour acheter un croissant à leur gamin pour leur faire un petit goûter de plaisir. Il devait aider cette femme, ainsi il aurait l'impression d'aider la ville à sa façon. Du coup il s'était pointé devant elle, alors qu'elle ne le connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Il avait essayé de ne pas trop lui faire peur et jusque-là c'était plutôt réussit.

-« J'ai rien d'autre à faire pour le moment alors autant que je soit utile. » Il décroche un léger sourire à la patronne, il voit bien qu'elle ne vas pas bien, en même temps il serait certainement dans le même état si quelque chose qu'il avait passé sa vie à bâtir c'était retrouvé dans cet état là.
 

Wanya, elle s’en voulait, elle s’en voulait d’avoir rien vu venir, elle s’en voulait que certaines de ses clientes aient peut-être été blessées. Elle n’en savait rien, on ne voulait rien lui dire, et elle ne pouvait pas vraiment parler à sa mère des événements puisque la pauvre était dans une maison de soins et qu’on avait pris la décision de ne surtout pas lui faire peur avec cette histoire. Wanya n’était pas restée bien longtemps à l’hôpital, elle ne portait que quelques signes mais elle marchait toujours avec des béquilles, ce qui expliquait ses visites moins fréquentes à sa mère pour le moment.
Malgré tout ce qui s’était passé, malgré les dégâts occasionnés non seulement à sa santé mais aussi à sa boulangerie, au lieu dans lequel elle se sentait le plus en sécurité du monde, la belle continuait de penser à la santé mentale de sa mère. Et c’était bien ça qui était triste, incapable de penser à elle qu’elle était la gamine.

Alors qu’elle avait décidé de commencer à dégager les gravats et les saletés que personnes n’avait pensé à venir nettoyer en son absence, elle galérait avec ses béquilles et le reste. Mais une voix masculine se fit entendre, une voix qui l’effraya quelque peu car elle ne s’y attendait pas. Wanya se retourna sur lui, surprise qu’un parfait inconnu ne lui propose son aide. Elle trouvait ça bizarre, louche même, mais elle avait la fâcheuse tendance à ne plus avoir confiance en personne ces temps-ci.

Je…

Elle regarda autour d’elle, se rendant compte que son comptoir était en morceaux, que sa vitrine n’était plus qu’un amas de verre, que ses étagères étaient tombées et que plus rien de l’endroit que sa mère avait bâti des années auparavant ne ressemblait au passé. Et elle n’aimait pas le changement la gamine, elle n’aimait tellement pas ça. Soupirant, elle posa une béquille contre un morceau de mur et lui répondit :

J’avoue que toute aide serait la bienvenue pour le moment. Vous pourriez m’aider à dégager les gravas et les mettre dehors ? J’appellerai pour faire venir un camion ou un container.

Elle s’était évidemment imaginée que ça allait être compliqué, qu’il y aurait beaucoup de choses à faire, de choses à réparer, de choses à changer, mais elle ne s’attendait tout de même pas à ce que ça soit aussi catastrophique. La jeune femme était dépassée par l’ampleur des dégâts, tout simplement.

Tu en avais tellement marre de te morfondre Aaron et te de te sentir si impuissant face à la détresse de tout ces gens, à la final tu avais frôlé la mort mais désormais tu n'étais plus le seul à Trondheim et pourtant tout ces gens tentaient d'aller de l'avant alors que toi tu stagnais depuis huit mois. Tu ne devais plus être ce type qui se contente de se plaindre d'engendrer la misère du monde, ce métier tu l'avais choisis et tu en connaissais les risques, aujourd'hui tu te dois de te relever. Après tout, ce n'est pas en étant une lavette que tu es devenus colonel dans l'armée Norvégienne. Mais tout ça était bien plus facile à dire qu'à faire, alors tu t'étais pris en main et tu avais lever tes fesses de ce canapé dans lequel tu t'enfonce, un verre d'alcool rarement vide à la main. Ce journal t'avais frappé et tu voulais que la ville retrouve sa boulangerie le plus rapidement possible, même si pour ça tu devais sortir de ton antre.

Te sentir utile t'avais terriblement manqué, de voir que tu n'étais pas bon qu'à jeter en haut de cette colline et que tu avais encore quelque chose à apporter aux gens. Cette femme, tu étais le bienvenue à ses yeux et plus que ça même parce qu'elle semblait dépassée par l'ampleur des dégâts et clairement il y avait de quoi. La pauvre avait perdu toute son affaire à cause de ce taré alors si tu pouvais ne serais-ce que l'aider à déblayer les gravas et à lui refaire un comptoir sur mesure, tu ne t'en priverais pas. L'armée t'a appris beaucoup de trucs, de façon à pouvoir te débrouiller tout seul et en plus de ça tu es un bon bricoleur, c'est presque un hobbit pour toi, alors autant lui en faire profiter. Tu ne tardes pas à prendre la pelle qui se trouve dans la benne de ton pick-up, pick-up un peu vieux mais qui sert encore énormément la preuve.

-« Ne vous en faites pas pour le camion, trois quatre tour devraient suffire à tout dégager. Avec un peu de chance, on aura au moins finit ça avant la tombée de la nuit. » Tu lui souris pour lui donner du courage avant de commencer à mettre quelques coups de pelles et à balancer les graviers dans la benne de ton pick-up. Après tout pourquoi dépenser de l'argent à louer un camion quand tu as ce qu'il faut sur place ? De l'argent elle en aura besoin pour tout rénover, alors autant l'économiser un maximum.
 

La jeune boulangère était perdue, elle avait l’impression que le monde entier lui était tombé sur la tête, et qu’il allait être extrêmement compliqué pour elle de s’en sortir, de reconstruire ce qui avait été brisé. Ça concernait évidemment la boulangerie mais également elle, son corps et son âme. Elle qui vivait dans un monde de bisounours depuis toujours, et en particulier depuis qu’on avait découvert la maladie de sa mère, voilà qu’elle s’était retrouvée dans un monde violent, un monde rempli d’injustices dans lequel un homme se vengeait de la mort de son frère ainé en s’en prenant à des personnes qui ne le connaissaient même pas.
Wanya avait été la cible, la victime malheureuse d’un homme qui avait cherché à accomplir une grotesque vengeance. La belle s’était habituée à devoir se débrouiller toute seule, mais voilà qu’elle mettait les pieds pour la première fois dans sa boulangerie depuis les attaques, et elle recevait l’aide, gratuite et bienveillante, d’un inconnu. Si cette histoire lui avait appris à se méfier, elle se rendait compte que cet homme ne lui voulait pas de mal. Il voulait simplement l’aider et il lui parlait de la manière la plus délicate qui soit.

D’accord, je vous fais confiance pour ça.

Faire confiance… Depuis les attentats, il lui était devenu terriblement difficile de faire confiance à qui que ce soit, même à des personnes qu’elle n-connaissait depuis longtemps. Elle ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur les motivations des personnes qui voulaient l’aider, que ça soit cet homme aujourd’hui, ou la dame qui l’avait aidée avec ses béquilles dans l’ascenseur de l’hôpital, ou encore l’homme qui lui avait tenu ses livres alors qu’elle se glissait dans un taxi, toujours équipée de ses fidèles béquilles. La belle reprit son travail mais elle ne put s’empêcher de poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis quelques minutes.

Je peux vous demander pourquoi vous m’aidez ? Désolée mais depuis l’attaque, j’ai tendance à me méfier des personnes que je ne connais pas, il ne faut pas le prendre mal.

Wanya espérait sincèrement qu’il comprendrait sa démarche, qu’il comprendrait pourquoi elle réagissait ainsi, pourquoi elle se posait autant de questions, parce qu’il fallait bien reconnaitre que les dernières semaines avaient été terriblement difficiles. La belle blonde se baissa à son tour pour ramasser de plus gros morceaux de gravas, qu’elle emporta dans la benne de l’inconnu. Elle avait déposé ses béquilles dans un coin de la pièce, car il fallait reconnaitre qu’elles la handicapaient dans le moindre de ses mouvements. Elle devait cependant faire attention. Elle se tourna vers l’inconnu avant de lui dire :

Au fait, moi c’est Wanya. Et vous ?

Vu qu’il lui donnait un coup de main, autant qu’elle connaisse son prénom.